Lettre à Guy Ropartz (16 février 1911)

Baron, 16.2.1911

Vieux lapin,

Enchanté que ma dernière ordure[1] ne vous ait pas déplu. Je crois que vous vous ferez aux pages dramatiques de l’œuvre ; l’expression en vient directement de Beethoven, que nous aimons tous deux. Vous avez certainement raison pour le final. Il sonne moins bien que le reste. J’en ai eu l’autre jour l’impression très nette en l’essayant avec ce bon crétin de Pollain[2].

Je changerai peut-être quelques passages de la partie de violoncelle. Mais je ne pense pas l’améliorer beaucoup. Les mouvements rapides ne conviennent pas à l’instrument. Je me suis tiré d’affaire dans le scherzo en le faisant très court. Le final devait être d’amples proportions et, par suite, d’une réalisation beaucoup plus difficile. J’y vois d’ailleurs aussi, comme vous, un peu trop de cors et de trompettes.

Carré m’a mis en rapport fin décembre avec le décorateur et le costumier de Bérénice. Puis, plus rien de rien. Je commence à douter de l’exécution cette année. Tout cela n’est pas sérieux, il n’y a vraiment rien à faire avec ces gens-là.

J’espère que vous supportez bien cet horrible hiver, vous et les vôtres. Ici, tout le monde est au lit. Ma seconde fille a en ce moment 39°5 et le médecin me laisse toute latitude dans le choix d’une rougeole, d’une scarlatine ou d’une pneumonie.

D’Indy est très atteint, me dit-on[3]. Désastre. La Schola finira par le tuer.

En toute affection.

A. Magnard

[1] Il s’agit probablement de la Sonate, violoncelle et piano, op. 20. de Magnard.

[2] Premier violoncelle de l’orchestre de Nancy qui devait créer l’œuvre le 25.2 suivant.

[3] En janvier 1911, V. d’Indy, atteint de pleurésie, dut suspendre son cours de composition à la Schola pendant plusieurs mois.