Lettre à Octave Maus (25 avril 1899)

 [Paris,] 25 avril [1899]

Excellent,

Ci-joint mon offrande à la souscription Séguin[1]. Vous avez bien fait de me prévenir. J’eusse été désolé de ne pas y figurer. Séguin est un grand artiste que j’admire, un brave homme que je voudrais voir souvent. Dites-lui toute mon amitié et toute ma reconnaissance.

Qu’est-ce que vous me chantez que vous êtes mort dans mon souvenir ? C’est moi qui suis mort dans le vôtre. Je ne suis pas allé depuis 1894 à Bruxelles et vous êtes certainement venu à Paris depuis cette date. Alors ?

Est-ce que vous renâclez devant un déjeuner parce que j’ai une femme et un moutard à la maison, ou parce que je suis solidement Drevfusard et que je continue à m’asseoir sur Dieu, les curés, les militaires, la patrie et cette bonne légion d’honneur ?

J’espère que vous n’êtes pas encore pourri à ce point par la société aristocratique et cléricale dans laquelle vous a fourré d’Indy.

Quoi qu’il en soit, ma maison vous est ouverte. Vous le savez. Actuellement, bon Sauternes.

Vieille amitié.

Concert Magnard au Nouveau-Théâtre le 14 mai. Si vous êtes à Paris, je tiens des places à votre disposition. Vous pourrez prendre une vue d’ensemble de mon oeuvre symphonique et l’occasion ne s’en représentera pas de longtemps.

Magnard

[1] Fin avril 1899 un Comité, dont faisait partie O. Maus, ouvrait une souscription pour offrir à Henri Séguin, qui donnait une séance d’adieu à la Monnaie, une statuette de Wotan due a Constantin Meunier. C’est H. Séguin qui avait chanté le rôle de Robert dans Yolande de Magnard à la Monnaie en décembre 1892.