Lettre à Guy Ropartz (5 février 1905)

 [Baron], Dimanche matin [5 février 1905]

Mon vieux,

Je me faisais une fête d’aller entendre cet après-midi votre fantaisie d’orchestre[1] que j’aime beaucoup. Les Dieux Lares s’y opposent.

Nous étions sans domestiques réguliers depuis six semaines, mais depuis hier matin nous sommes seuls avec de fugitives femmes de ménage et je ne puis laisser ma malheureuse femme en proie à la cuisine, au ménage et à sa hurlante marmaille.

Donc, au lieu de m’esjouir sous vos vibrants quinconces, je pomperai de l’eau, scierai du bois, et entretiendrai le calorifère. Ô joie !

je suis enchanté que vous ayez été content de l’exécution. L’orchestre du Conservatoire est le meilleur d’Europe et Marty est tout de même supérieur à toutes les couilles molles qui l’ont précédé. Je préférerais tout de même vous voir à sa place et c’est la que vous devriez être aujourd’hui. Tout cela est lugubre. Je n’arrive pas à sortir de mon trio et suis dans un état d’exaspération effroyable.

Mes respects chez vous, et affectueusement.

A. Magnard

[1] Fantaisie d’orchestre en ré majeur (1897), donnée aux Concerts du Conservatoire pendant la première quinzaine de février 1905. Au programme figuraient également : la Symphonie Pastorale, le 2e concerto pour violoncelle de Saint-Saëns, le Carnaval Romain et le Chant Funèbre de Chausson, orchestré par d’Indy. Elle sera redonnée aux Concerts Cortot le 14.5.1905 avec le Requiem de Brahms.